• De graves menaces pèsent sur le monde paysan !

     

    Depuis l'invention de l'agriculture, l'Homme sélectionne des plantes pour ses cultures, des animaux pour ses élevages, et des micro-organismes pour ses levains et ferments (destinés à fabriquer pain, fromages... ). Cette sélection pluri-millénaire, réalisée par des générations et partagée sur des millions de paysans, a abouti à des lignées de céréales, de légumes, d'animaux, de levains... qui servent aujourd'hui de base à toute la sélection contemporaine.

    Dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, au nom de la propriété intellectuelle, les sénateurs viennent de voter un texte risquant de criminaliser les paysans dans leurs pratiques de sélection et d'amélioration des lignées du "vivant" dont ils ont été, jusqu'à très récemment, les garants.

    A priori, cette proposition de loi ne concernait pas l'agriculture, mais il s'avère que son application visera aussi les productions agricoles. De quelle type de contrefaçon s'agit-il ? Par exemple, resemer les graines de sa propre récolte, utiliser ses propres levains pour faire son pain...

    Si la loi est appliquée, il sera demandé, aux douanes, de poursuivre les agriculteurs pour contrefaçon si un soupçon plane sur leurs pratiques.  Les agriculteurs qui utilisent, par exemple, des semences de ferme seront traités comme des contrefacteurs.

    Jusqu'à maintenant la charge de la preuve revenait aux services de l'état. Avec cette loi, c'est l'agriculteur qui devra apporter les preuves de son "honnêteté". Ainsi, c'est tout une récolte qui pourra être saisie dans l'attente de ces preuves. La contrefaçon de semences est très difficile à prouver, les analyses coûtent très cher. Quand il sera question de gênes, quel agriculteur sera capable et assez fortuné pour s'engager dans des analyses que seules les multinationales ou des services de l'état sont en capacité de conduire ? 

    Le 12 novembre dernier, dans une lettre ouverte aux sénateurs, le collectif "Semons la biodiversité" s'exprimait ainsi : "(…)Ressemer des semences, donc les reproduire, sera une contrefaçon. Le paysan pourra alors voir sa récolte simplement saisie par les services de l’État. Pour éviter tout problème, il devrait donc, chaque année racheter ses semences ou payer des royalties. Le fonctionnement sera le même en élevage pour les mâles reproducteurs. Et il n’y a pas d’échappatoire ! Tout paysan qui ne pourra présenter les factures de ses semences, de ses animaux ou de ses préparations naturelles sera considéré, a priori, comme étant dans l’illégalité. L’industrie se retrouve donc seule à avoir le droit de poursuivre le travail engagé par les paysans depuis des millénaires !(…)"

    Proposition d’amendement à l’attention des sénateurs français : 

    • « La production à la ferme par un agriculteur de ses semences, de ses plants ou de ses animaux pour les besoins de son exploitation agricole, ne constitue pas une contrefaçon, et ce quelle que soit l’origine de ces semences, de ces plants ou de ces animaux.
    • La production à la ferme par un agriculteur de ses ferments, levains, levures et autres préparations naturelles à base de micro-organismes ou d’autres éléments naturels issus de sa ferme ou de l’environnement naturel et destinés à ses productions fermières ou aux soins de ses cultures ou de ses animaux, ne constitue pas une contrefaçon.
    • La rémunération de la sélection des végétaux et des animaux destinée à l’alimentation et à l’agriculture fait l’objet de dispositifs particuliers qui ne rentrent pas dans le champ d’application des lois générales de lutte contre les contrefaçons ».

    Cet amendement a malheureusement été refusé.

    Voici un argumentaire pour aller plus loin.

    Jeudi 21 novembre, les mêmes sénateurs ont voté un accord international sur le brevet qui fait à son tour de tout agriculteur, qui utilise ses propres semences, un contrefacteur dès que ses cultures sont contaminées par des gènes brevetés ou contiennent naturellement un gène protégé par un brevet. Il en est de même des éleveurs si les animaux qu'ils reproduisent sont porteurs de gènes brevetés et des agriculteurs qui utilisent des ferment, des levures ou autres micro-organismes contenant des gènes brevetés.

    La privatisation à grande échelle du vivant est en marche, les enjeux financiers et géo-politiques sont colossaux, le modèle dominant (industries de la semence, agro-chimiques et agro-alimentaires) ne lâchera rien. L'agriculture durable, autonome et diversifiée est, soit condamnée à disparaître, soit à perdre son âme en se conformant au modèle, soit à résister. Un mouvement de résistance, qui maintenant fédère agriculteurs et citoyens, se structure. Il n'y a que dans un reprise en main de la souveraineté alimentaire par la société, par un rupture avec les modes de consommations qui dominent actuellement, qu'un avenir peut se dessiner avec comme enjeu majeur : nourrir 7 milliards d'humains aujourd'hui, 9 milliards en 2050.

     

     


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